La Journée internationale contre les violences faites aux femmes nous rappelle l’urgence de lutter contre des violences souvent invisibles mais qui n’en restent pas moins destructrices. En effet si les coups et les blessures physiques sont visibles, il existe d’autres cicatrices, tout aussi profondes, qui restent enfouies dans le silence. Parmi elles, les troubles du comportement alimentaire (TCA) figurent comme une conséquence trop souvent ignorée des violences faites aux femmes.
Les troubles alimentaires : une réponse au traumatisme
De nombreuses études montrent un lien entre les violences sexuelles, psychologiques ou physiques et l’apparition de troubles alimentaires tels que l’anorexie, la boulimie ou l’hyperphagie. Pourquoi me direz-vous ? Parce que ces violences brisent non seulement le corps, mais aussi l’image que la personne en a. Une femme victime de violence, physique et/ou psychologique, peut se tourner vers les TCA pour reprendre un contrôle apparent sur un corps qui lui semble devenu étranger ou bien également pour anesthésier une souffrance psychologique insoutenable. La nourriture devient alors un anti-dépresseur, un anxiolytique, un instrument de punition, de réconfort ou de rejet ou bien de tout à la fois.
Une lutte intérieure silencieuse
Prenons l’exemple d’une jeune femme ayant subi des violences sexuelles : l’anorexie peut surgir comme une tentative inconsciente de faire disparaître ce corps perçu comme coupable ou vulnérable. À l’inverse, la boulimie peut devenir une échappatoire temporaire, un refuge où les émotions sont englouties, avant que la culpabilité et le dégoût ne reprennent le dessus. Ou bien encore l’hyperphagie amenant à prendre du poids pourrait être une tentative désespérée de ne plus susciter du désir et mettre les autres à distance…. Ces mécanismes, bien que destructeurs, sont souvent des réponses au traumatisme et une tentative maladroite de les résoudre ; en un mot des mécanismes de défense inappropriés.
Paradoxe? Les TCA sont aussi une violence contre soi-même
Ainsi les troubles alimentaires, bien qu’étant une réponse à des traumatismes extérieurs, deviennent eux-mêmes une forme de violence que les patientes s’infligent à leur propre corps. Privations extrêmes, excès alimentaires ou comportements compensatoires agressent le corps autant qu’ils reflètent une souffrance intérieure. Cette auto violence, souvent inconsciente, illustre la complexité du rapport entre le trauma et l’image de soi, où le corps devient à la fois l’exutoire et la cible d’une douleur psychologique profonde. C’est pourquoi la prise en charge doit également aider les patientes à rétablir une relation bienveillante avec elles-mêmes, c’est essentiel.
Une prise en charge nécessaire et globale : le corps et l’esprit
Alors, que faire ? La lutte contre les troubles alimentaires doit aller de pair avec la lutte contre les violences faites aux femmes. Les professionnels de santé, les psychologues et les associations doivent intégrer cette réalité dans leur approche. Prendre en charge les TCA, c’est aussi écouter les histoires douloureuses des patientes, briser le tabou des violences qu’elles ont subies, et leur offrir un espace pour se reconstruire.
Une action collective
En ce jour de mobilisation, rappelons que protéger les femmes de la violence, c’est aussi protéger leur santé mentale et physique. Parce que derrière chaque trouble alimentaire, il y a une histoire à entendre, une souffrance à apaiser, et une dignité à restaurer.
En brisant le silence autour des violences faites aux femmes, nous ouvrons la voie à une société où chaque femme peut se construire, se reconstruire, se réapproprier son corps et vivre pleinement, libre de toute forme d’oppression.
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