Ce dimanche marque le début du Ramadan. Jusqu’au 4 juin, ceux qui respectent le Ramadan ne pourront ni boire ni manger de l’aube au coucher du soleil. Cela vaut aussi pour les personnes souffrant de troubles alimentaires de confession musulmane. Le Ramadan est tant attendu que craint pour elles… Petites explications

 

POURQUOI LES MUSULMANS JEÛNENT ?

 

A l’origine, le mot « ramadan » signifie le 9ème mois du calendrier musulman. C’est au cours de ce mois que le Coran a été révélé à Mahomet.

Le Ramadan est l’un des 5 piliers de l’Islam, et son but est de purifier le corps et l’esprit du fidèle et aussi de lui permettre de mieux comprendre le sort des plus démunis.

Par extension, le jeûne permettrait aussi, en ressentant la faim et la soif, de prendre conscience que ses besoins essentiels sont spirituels. Ainsi, lors du Ramadan, les fidèles se replongent dans le Coran en consacrant plus de temps à la prière et la méditation.

 

INCIDENCES DU RAMADAN SUR LES TROUBLES ALIMENTAIRES

 

Selon le TCA (Trouble du Comportement Alimentaire) le Ramadan n’aura pas les mêmes enjeux ni les mêmes incidences.

 

  • Anorexie

Pour une personne anorexique, le jeûne du Ramadan est un moment important et ce, pour deux raisons :

  • La première : le jeûne religieux valide et justifie leur propre comportement de restriction alimentaire
  • La seconde : une augmentation de leur anxiété chaque soir lors de la rupture du jeûne où ils sont invités à se restaurer entre amis/famille mais où les mets riches en général leur procurent un pic d’angoisses accrues

Chaque année, à mon cabinet, des patientes musulmanes tentent de m’expliquer qu’elles se nourrissent tel le prophète, c’est-à-dire peu, et qu’on ne l’accuse pas de maladie mentale…

A cela je leur réponds qu’il ne faut pas confondre ascétisme et anorexie et qu’il ne faut pas justifier leur privation alimentaire comme moyen d’éprouver leur foi.

Ce n’est pas sans rappeler les anorexies saintes du XIII-XVème siècles, où des jeunes filles en proie à la passion du Christ se privaient de nourriture comme par exemple Sainte Catherine de Sienne, et expliquaient qu’elles se nourrissaient de l’amour de Jésus/Dieu.

Toutefois il me semble nécessaire de rappeler que, si on se réfère au Coran, les personnes malades ou faibles ne doivent pas jeûner durant le Ramadan et que l’anorexie est bien une maladie répertoriée au DSM V.

 

  • Boulimie & Hyperphagie

Pour les musulmans boulimiques et hyperphages aussi le mois du Ramadan est un mois craint et source d’anxiété.

Pour ces personnes le Ramadan est à la fois une période de frustration alimentaire et en même temps un temps de « craquages alimentaires autorisés ».

  • Pour les boulimiques, le jeûne est un soulagement de leurs pulsions, mais de courte durée, car quand vient le repas de rupture du jeûne (l’Iftar), les personnes ont du mal à gérer leur faim et leurs besoins alimentaires ; cela débouche généralement à une crise aussi intense que leur sentiment de privation/restriction et de frustration ressentis en journée.
  • Pour les hyperphages, le Ramadan est souvent une période de lâcher-prise, de laisser-aller autorisé et ce en toute convivialité. En fait pour ces patients, l’idée de devoir jeûner pendant 15h pendant le Ramadan est source d’anxiété car c’est justement ce qu’ils se sentent incapables de faire quelques heures en temps normal. Toutefois, même si l’envie de s’alimenter et parfois aussi de compulser sont bien présentes, le jeûne/la restriction sont rendus plus faciles car c’est au nom de la religion qu’ils le font ; la motivation n’est pas personnelle mais spirituelle.

Dans les deux cas, hyperphagie ou boulimie, que l’Iftar (ou Ftour / rupture du jêune) amène souvent à une crise quasi systématique.

Certains vont manger peu ou normalement en présence de leur famille et amis mais vont aller se cacher pour pouvoir satisfaire leur crise alimentaire et ingérer une grande quantité de nourriture dans un temps très court.

Les vomisseurs iront se faire vomir et répéteront le cycle ingestion/vomissement jusqu’à l’épuisement et/ou lever du soleil.

Quant aux non-vomisseurs, ils culpabiliseront encore davantage d’avoir eu de tels comportements compulsifs, et ce d’autant plus pendant le mois sacré.

 

  • Sleeve & Bypass

Il faut rappeler avant tout que les personnes ayant eu recours à une chirurgie bariatrique doivent suivre des règles très précises depuis leur intervention, comme par exemple fractionner leur alimentation en 5 repas/collation, boire en dehors des repas, éviter d’ingérer des aliments trop sucrés (au risque de connaître un Dumping Syndrom).

Le problème pour ces personnes qui pratiquent le jeûne durant le Ramadan est qu’ils auront du mal à suivre ces recommandations ; ils sont dans un dilemme, pris entre deux choix : suivre les recommandations médicales et celles religieuses.

  • Les personnes en rééquilibrage alimentaire et/ou régime

Certains confondent Ramadan avec une méthode de jeûne Détox ou bien encore perçoivent le Ramadan comme un régime hypocalorique.

Le but du Ramadan n’est pas de perdre du poids mais bien une quête spirituelle.

Néanmoins vous pouvez peut-être utiliser ce moment pour mettre en place de nouvelles (et bonnes !) habitudes alimentaires que vous pourrez tenir une fois le Ramadan terminé.

 

CONSEILS

 

En fait beaucoup de choses vont se jouer au moment de l’Iftar (rupture du jeûne) et du Shour (dernier repas avant la reprise du jeûne). Pendant ce laps de temps, les personnes auront tendance à trop manger, les repas seront composés d’aliments riches en calories et souvent déséquilibrés (augmentation d’alimens gras et sucrés). Mais cela n’est pas une fatalité et quelques conseils peuvent se révéler utiles :

  • La nuit du Doute

La veille de l’entrée dans le Ramadan, commencez déjà à faire attention à ce que vous mangez, en ayant des apports équilibrés (protéines, glucides, lipides, fibres) et une bonne hydratation afin que le jeûne se fasse un peu moins ressentir.

  • L’hydratation

Très important, hydratez-vous, buvez, choisissez des aliments riches en eau (légumes, fruits, potages)

  • L’iftar

A la rupture du jeûne, ne vous jetez pas sur la nourriture, mais commencez déjà par vous hydrater (un potage permet d’ailleurs de faire les deux à la fois).

L’idéal serait de fractionner son repas en plusieurs petites prises alimentaires, entrecoupés de moments où l’on s’hydrate (eau, thé, soupe). Cela augmente la sensation de satiété, apporte les minéraux dont le corps a besoin pour se régénérer.

Faites attention aux sucres et aux matières grasses ; n’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’une nuit mais d’un mois ! Un excès de gras et de sucre et ce de manière répétée sur 30 jours peut rapidement faire grimper les aiguilles de la balance. Afin de ne pas avoir de mauvaise surprise à la sortie du Ramadan, rappelez-vous que vous n’êtes pas obligé d’essayer toutes les pâtisseries de tata Zohra le premier soir, qu’elle sera ravie d’en refaire la semaine prochaine

  • Le Souhour

Il s’agit là du repas avant le lever du soleil ; n’hésitez pas à le prendre le plus tard possible afin que les apports vous servent tout au long de la journée.

C’est un repas très important car le dernier avant des heures et se doit d’être complet (il ne s’agit pas d’un petit déjeuner et ne pas doit pas être composé comme tel) : veillez à y mettre des protéines, des féculents (encore meilleur pour l’organisme si ce sont des légumineuses car leur assimilation s’effectue sur une période de temps plus longue), des soupes (chorba, harira, etc.) et autres plats régionaux traditionnels qui sont bien complets et permettent ainsi de stocker le maximum d’eau pour éviter la déshydratation.

Enfin dans tous les cas, faîtes attention aux sucreries : je vous vois venir en pensant que je pense qu’aux calories, détrompez-vous, je pense surtout à votre glycémie !

A l’origine les sucreries et les pâtisseries étaient réservées à l’Aïd, mais force est de constater qu’on en consomme tout le long du Ramadan.

Il n’y a pas de mal à cela me direz-vous… A ceci près que si vous en mangez trop, et trop d’un coup, vous allez provoquer un pic de votre glycémie et ainsi une mauvaise gestion de votre insuline ; résultat : coups de barre et fatigue assurés !

Dans tous les cas Ramadan rime avec spiritualité, famille, amis, convivialité alors je terminerai en vous souhaitant :

 

RAMADAN KARIM   &   RAMADAN MUBARAK SAID    !!!