Je ne sais pas ce que vous avez fait ce week-end, mais pour ma part j’ai regardé une série addictive …. Une de plus me direz-vous:! Certes mais celle-ci m’a amené à réfléchir sur ce que nombre de patients abordent en thérapie : la place du travail et/ ou la difficile frontière entre vie perso et pro… C’est justement le thème abordé dans cette série . La série Severance est une plongée fascinante dans la psychologie du travail et de l’identité.
Imaginez : vous arrivez au bureau et… hop ! Plus aucun souvenir de votre vie perso. À la fin de la journée, vous sortez et… plus aucun souvenir de votre boulot. Plus d’open space oppressant, plus de dossiers en retard, plus de collègues qui mâchent la bouche ouverte. À l’inverse, plus de stress perso qui vous suit au travail. Tentant, non ? Ou totalement flippant ?
C’est exactement le principe de Severance (Rupture en français, mais avouez que ça sonne tout de suite moins classe). Une série qui nous balance un concept aussi fascinant qu’angoissant : une séparation totale entre notre moi qui bosse (Inter) et notre moi qui vit (Exter).
Et si la série cartonne autant, ce n’est pas juste parce que la réalisation est soignée et que les bureaux de Lumon ressemblent à un mélange entre Apple et un laboratoire aseptisé. C’est surtout parce qu’elle nous pousse à nous interroger sur notre rapport au travail, à l’identité et au libre arbitre. Bref, c’est de la science-fiction, mais pas si fictionnelle que ça. Allez, décortiquons ensemble ce bijou psychologique.
1. Travail et identité : sommes-nous ce que nous faisons ?
Dans Severance, les employés de Lumon vivent littéralement une double vie. L’Inter ne fait que travailler, sans aucun souvenir de l’extérieur. L’Exter, lui, profite de sa vie mais ne sait même pas en quoi consiste son boulot.
Avouons-le, on compartimente déjà tous un peu nos rôles. Celui qui fait le pro hyper sérieux au bureau, mais qui passe ses week-ends en pyjama licorne. Celle qui se la joue patronne inflexible et qui regarde L’Amour est dans le Pré en pleurant sur son canapé. Bref, on est déjà des experts en clivage.
Mais Severance pousse la logique à l’extrême : et si on se coupait totalement d’une partie de notre vie ? Plus d’angoisse du dimanche soir, plus de « T’as bien bossé aujourd’hui ? », plus de réunions inutiles… Le rêve ? Ou bien la meilleure façon de devenir un esclave moderne, coupé de toute conscience ?
2. Le paradoxe du contrôle : choisir de perdre le choix
Le plus ironique dans Severance, c’est que les employés signent pour ça. Volontairement. Parce que ça leur évite de subir le stress du boulot. Alors là, on atteint des sommets en termes de paradoxe : choisir de ne plus avoir le choix.
C’est un peu comme quand on clique sur « J’accepte les cookies » sans lire, sauf que là, les cookies, c’est votre conscience. Dans quel monde est-ce une bonne idée ? Pourtant, ce n’est pas si éloigné de la vraie vie : combien de fois on « choisit » un boulot alimentaire, une routine qu’on déteste, juste parce que c’est plus simple que de tout remettre en question ?
Le confort de ne pas décider peut être séduisant… Jusqu’au moment où on se rend compte qu’on a juste renoncé à son libre arbitre.
3. Travail et identité : sommes-nous ce que nous faisons ?
Un Inter ne vit que pour bosser. Pas de vie privée, pas de distractions, même pas une pause YouTube entre deux dossiers. Rien. Juste des tâches absurdes, répétées en boucle. Ça ne vous rappelle pas un peu quelqu’un ?
Petit test : si demain vous ne pouviez plus parler de votre job, vous répondriez quoi à la question « Tu fais quoi dans la vie ? » Si la réponse est « Euh… », c’est que la série tape dans le mille.
Dans notre société, le boulot est un marqueur identitaire. On est ce qu’on fait. Severance pose une question bien plus inquiétante : si on vous enlève la conscience de votre travail, a-t-il encore un sens ?
4. Manipulation et libre arbitre : qui tire vraiment les ficelles ?
Ah, Lumon. Cette belle entreprise qui vend le bien-être de ses employés alors qu’elle les traite comme du bétail. Des valeurs d’entreprise bienveillantes, des petites phrases inspirantes affichées dans les bureaux… Ça sent bon l’open-space toxique, non ?
Dans la vraie vie, on nous sert la même soupe :
- « Ici, on est une famille. » (Traduction : tu feras des heures sup non payées.)
- « Travaille avec passion. » (Traduction : accepte ton salaire de misère, mais avec le sourire.)
- « Notre mission a du sens. » (Traduction : bosse sans poser de questions.)
Bref, entre le management toxique et les slogans bien rodés, Severance nous rappelle que le libre arbitre est parfois une illusion soigneusement entretenue.
5. La mémoire : notre plus grande illusion
Dans la série, la mémoire des employés est volontairement effacée. Mais dans la vraie vie, notre cerveau n’a même pas besoin de nous pour faire pareil. On oublie, on déforme, on embellit. On réécrit notre propre histoire en fonction de ce qui nous arrange.
Si vous doutez de cette théorie, pensez à une dispute d’il y a trois ans. Vous êtes convaincu d’avoir dit « calmement » quelque chose alors que la personne en face se souvient d’un hurlement animal. La mémoire, c’est du storytelling. Et Severance nous montre à quel point ce qu’on retient ou pas forge notre identité.
6. Alors, on signe où ?
Si demain on vous proposait la procédure Severance, vous diriez oui ?
D’un côté, l’idée de ne jamais ramener le stress du travail à la maison est séduisante. Plus de mails en dehors des heures de bureau, plus de « Ah mince, j’ai oublié de répondre à ce client » à 23h.
Mais à quel prix ?
Si Severance nous fait autant réagir, c’est parce qu’elle met en lumière une réalité qui nous concerne tous : le boulot prend une place énorme dans nos vies, et parfois, on aimerait juste pouvoir oublier. Mais la solution, ce n’est sûrement pas de se scinder en deux. C’est peut-être plutôt de remettre en question notre rapport au travail et la place qu’il occupe dans nos vies.
En attendant, si vous avez des astuces pour compartimenter boulot et vie perso sans chirurgie cérébrale, je prends.
Alors, dites-moi : Severance vous a-t-elle aussi fait cogiter sur votre job ? Vous signeriez ou pas pour un monde où votre moi du travail et votre moi perso ne se croisent jamais ?